Témoignages des nationaux

أحمد المستيري وزير داخلية 

اللجوء الى « مرجعية بورقيبة » ليس في محله بتاتا

 

فالحديث عن « الحكم الرشيد » وهو شعار دالج في هذه الايام في جلسات التنظيمات الدولية، ونظافة اليد عند المسؤولين او الحديث عن الاستبداد المستنير او المنهج الاصلاحي في الاسلام او سياسة المراحل او الواقعية اوالحداثة او المساواة بين المرأة والرجل او على الاقل الانتساب الى الحضارة العربية الاسلامية او إعطاء الاولوية للتعليم في اختيارات التمويلات العمومية او سياسة متوازنة في العلاقات الدولية او وضع استراتيجية للمغرب الكبير، فالحديث عن كل هذا متطابق مع اختيارات بورقيبة والنمط الموروث عنه وعن مساعديه في معالجة شؤون البلاد.

رشيد صفر وزير اول 

من خلال التحليل المعمق للثورة يبدو جليا انها كانت وليدة المناهج البورقيبية

أكد رشيد صفر السياسي ورجل الاقتصاد التونسي ان آثار بورقيبة مازالت راسخة فالمتابع للحراك السياسي والثقافي اليوم يلاحظ ذلك بشكل واصح، وأشار الى ان بورقيبة رمز من رموز التاريخ ومن صانعي الدولة الحديثة في تونس.

وفي ذات السياق قال صفر « ان التونسيين بمختلف توجهاتهم السياسية يدينون لبورقيبة بتكوينهم وتعليمهم »، مضيفا « أن الرجل كان دائما يردد في تصريحاته بانه يفضل ان يحكم شعبا متعلما على ان يحكم شعبا جاهلا، واعتقد انه من باب الاجحاف انكار دوره »، كما ابرز انه اذا ما قمنا بقراءة تحليلية تاريخية في الواقع التونسي نجد ان الثورة وليدة المناهج البورقيبية.

اما فيما يتعلق بامكانية استلهام الفكر البورقيبي ونهجه السياسي لمواجهة المرحلة الراهنة التي تمر بها البلاد فقال صفر « ان العالم اليوم غير العالم الذي عاشه بورقيبة، وبالتالي لا يمكن القول ان الفكر البورقيبي صالح لكل زمان ومكان، لكن مثلما ظل الفرنسيون أوفياء للجنرال ديغول عندما أعاد بناء فرنسا فان التونسيين أيضا أوفياء لفضل بورقيبة في تكوينهم ».

 

أحمد بن صالح  وزير اقتصاد

تاريخ بورقيبة، تاريخ يتضمن الطيب والخبيث

المكاسب التي حققها العهد البورقيبي لا تنحصر فقط في تعصير التعليم وتعميمه وفي حرية المرأة بل الأهم من ذلك هو بناء الدولة والاقتصاد الوطني التونسي. فرغم كل ما اقترفه بورقيبة في حق عدة شخصيات الا انني لا أذكر سوى بورقيبة الرجل الممتاز الذي لولاه لما استطاعت تونس ان تكون دولة حديثة.

 

الطاهر بلخوجة وزير داخلية

فقدنا بورقيبة وسيبقى الحكم الجماعي والديمقراطية

بعد أكثر من نصف قرن من عهد بورقيبة وبعد أكثر من اثنتي عشرة سنة من رحليه، ما تبقى من بورقيبة هو تاريخه وتلك المكاسب التي تفاعلت ايجابيا مع أسمى وأرقى وأقدم الامم ولن تمحي وستبقى حية ومنارة لتونس ولكافة البلدان الاسلامية والعربية.

ما بقي هو عرفان الامة التونسية لبورقيبة الذي سكن القلوب والعقول فارضا اغلب توجهات الصائبة ولا أدل على ذلك من الوفاق الاخير بين كل القوى الحية بكل أصنافها فيما يخص البند الاول من دستور 1959 والذي تبين انه القاسم المشترك والبند الأساسي لكيان تونس ومعادلاتها.

لكن أسلوب الحكم وكيفية التصرف ونوعية المجتمع في العهد البورقيبي ذهب معه ولا يمكن أن يتلاءم مع وضعية البلاد الحالية وتطلعات المواطنين، فالراسخ اليوم والمتأكد داخليا وخارجيا، هو ما عشنا عليه في عهد بورقيبة وهو اعتماد الوفاق والاعتدال ونبذ التناحر، بورقيبة ضمن شخصيا ذلك التوجه نظرا لخصاله وعبقريته، أما اليوم فيستوجب الوضع الحكم الجماعي للحفاظ على مناعة البلاد أولا، وإرساء الديمقراطية والصرامة في تطبيق القانون ثانيا وذلك لحل كل التجاوزات وتخليص الامة من الشوائب ودفعها اكثر من أي وقت مضى نححو التقدم والرقي، فقدنا بورقيبة وسيبقى الحكم الجماعي والديمقراطية.

Une rencontre insolite

Mohamed Harmel, secrétaire général du mouvement Ettjdid

Bourguiba nous a légué une approche rationnelle et réaliste dans la solution de tous les problèmes, à commencer par la direction du Mouvement national et la conduite de la lutte pour l’Indépendance. Il a su impliquer la participation des masses.

Rationaliste et moderniste, il a su faire ainsi faire face aux traditions qui reléguaient la femme au dernier rang de la société. Rationalisme dans l’approche audacieuse de la question palestinienne avec le fameux discours à Ariha. Ce rationalisme a trouvé ses limites lorsqu’il s’est agi de démocratiser la vie politique du pays.

Nous étions en fait ses principaux alliés parce que progressistes et réformistes, ce qu’il était lui-même.

Ceci étant, l’héritage de Bourguiba est immense, progressiste, réformiste, audacieux, dans la pure lignée des réformateurs tunisiens ; nous l’avons toujours soutenu, au-delà des divergences, parfois secondaires, que nous avons dépassées.

J’ai eu la chance de rencontrer Bourguiba pour la première fois le 18 juillet 1981 à Skanès sur sa demande ; il était déjà marqué par la maladie et par l’âge. J’en une admiration pour le leader et j’ai constaté qu’il avait de la sympathie et de l’estime pour nous : nous étions des compagnons de lutte pour l’indépendance.

Rencontre insolite, car il n’avait pas l’habitude de rencontrer des gens en dehors de sa mouvance : rencontre historique au cours de laquelle il a surpris tout le monde, dont ses collaborateurs, en décidant de lever l’interdiction qui frappait le Parti communiste tunisien.

 

Un génie politique

Néjib Chebbi, secrétaire général du Rassemblement Socialiste Progressiste

La Tunisie a perdu un génie politique, un de ses grands hommes. Il est parti de rien à la fin des années 20 et a pu, en espace de vingt ans, unir le peuple tunisien et amener notre pays à l’indépendance. Sa stratégie politique consistait à mobiliser le peuple par un contact direct, à discerner entre les prépondérants du colonialisme et les forces éclairées au sein de la nation afin d’isoler les premiers et gagner la sympathie et le soutien des seconds.

Après la deuxième Guerre mondiale, il a saisi les nouvelles réalités de la situation internationale et a vu dans le bloc anglo-saxon la force montante sur laquelle il pouvait compter pour faire pression sur la France et l’amener à reconnaître la souveraineté et l’indépendance de la Tunisie.

Ahmed Ounaies 
« Enfant, il observait l’injustice condition de la femme »

Habib Bourguiba est nationaliste authentique : il se pense tunisien et pose la Tunisie comme une valeur. Cette attitude est sincère ; elle dicte le dévouement, apparemment excessives de l’homme l’Etat. Bourguiba se distingue de ses compagnons en étant porteur d’un projet de société qui, tout en étant enraciné dans l’histoire et la culture de la Tunisie, rompt avec l’archaïsme et projette le pays dans l’ordre de la modernité. Il n’est pas le seul à concevoir la société arabe à la fois fidèle conquérantes, apte à contribuer à la civilisation de son confiance sa permanence et sa place distinctive dans l’ordre des nations. Mais il fut le seul parmi les hommes d’Etat du Maghreb et du Machrek à oser la réforme fondamentale.

…Sa plus grande réalisation est philosophique : il a établi la preuve que la réforme fondamentale était possible et qu’elle était compatible avec la culture islamique. Il n’a pas coupé la société de ses racines, il a fait évoluer la législation tunisienne dans le respect de ses principes. Contrairement aux autres dirigeants arabes, il a donné un sens profond à la libération nationale, il ne s’est pas contenté de développement économique et de réformes superficielles, il s’est attaqué à l’essentiel : le principe de progrès, le statut d’égalité, le souci de la dignité ; la faculté pour l’homme comme pour la femme d’être chacun maître de son destin. Contrairement à Kamel Atatürk qui a transposé en bloc le Code Civil suisse dans la législation nationale turque, Habib Bourguiba a édifié les réformes centrales du Code sur la base des principes islamiques judicieusement interprétés, conformément à la méthode de l’ijtihad, c’est-à-dire, en définitive, l’usage de la raison.

Néjib Sassi , Arabesques 2013

 

Salah Zguidi
« La magistrature et la presse ont été totalement domestiquées »

Dans le régime d’Etat/Parti unique dirigé par un leader comme Bourguiba, l’opposition n’a pas de statut, puisqu’elle n’a pas de raison d’être.

…C’est un système totalement à sa mesure que Bourguiba a mis sur pied. Après s’être concentré sur le parachèvement de l’indépendance dans la période 1956/1962 (récupération progressive des terres coloniales, parachevée en 1964, garantie de l’indépendance monétaire par le décrochage du dinar par rapport à la monnaie française, évacuation des troupes françaises, parachevée en 1963..), Bourguiba va se concentrer sur la consolidation du nouvel Etat et la mise sur pied d’un système politique des gestion de l’Etat et du pays…

A la faveur du complot de décembre 1962, il saisit l’occasion de cette première secousse pour construire et imposer un système extraordinairement verrouillé et politiquement totalitaire. Etat fortement centralisé, Parti unique largement fusionné avec l’appareil d’Etat, Chef d’Etat et du Parti possédant tous les pouvoirs et sans aucun contre-pouvoir, culte de la personnalité alimenté par une mégalomanie hors du commun, domestication et instrumentalisation sans vergogne de la magistrature, de l’information, des élections, du Parlement, mise sous tutelle des organisations nationales (UGTT, UGET, UTICA, UNFT, UNFT ect).

… « Un homme comme Bourguiba, l’Histoire n’en fait qu’un par siècle » !! C’est aussi dans ces conditions que Bourguiba n’a pas hésité, en 1975, à instaurer la présidence à vie dans un silence général et assourdissant, et sous les applaudissements et avec la caution de la plupart des hommes politiques… On se demande encore aujourd’hui comment des hommes politiques tels Ahmed Mestiri, Ahmed Ben Salah, Driss Guigua, Mahmoud Messaadi, Mansour Moalla, Tijani Chelli, Béhi Ladgham, Fouad M’Bazzaa, Béji Caied Essebsi, Mohamed Naceur, et bien d’autres, ont pu cautionner toutes ces dérives despotiques et surtout cette décision de la Présidence à vie.

…Parce que je garde mon estime pour l’homme d’Etat bien qu’il ait été mon adversaire politique. Et puis parce que les réalisations accomplies sous son règne ont été remarquables : Le Code du Satut Personnel bien sûr, qui soixante ans après, reste unique dans le monde arabo-musulman, mais aussi la généralisation et la gratuité de l’enseignement, l’extension de la couverture médicale et sociale, la stratégie du Planning familial en matière de contrôle des naissances, la politique contractuelle en matière de relations entre partenaires sociaux etc… Ne nous sommes pas trouvés, aujourd’hui pour notre malheur, en train de nous battre pour sauver ces acquis, menacés depuis le 23 Octobre 2011 par les forces obscurantistes ?

…Etat/Parti unique est maintenu. Un équilibre est trouvé entre une évolution se fait/avec l’affaiblissement continu du Parti, la « triologie » sur laquelle est fondé le système politique instauré par Bourguiba : « Etat/Parti/Police » se change progressivement sous Ben Ali en : « Etat/Police/Parti ».. Au détriment du Parti, la police prend une place de plus en plus déterminante dans la gestion de l’Etat, et en particulier dans le contrôle de la population..

Néjib Sassi , Arabesques 2013

 

 

Néjib Chebbi 
« Bourguiba, a été le premier à opérer la jonction entre l’élite et la masse »

…Il a été le premier « à aller au peuple », à lui parler dans sa langue et à exprimer ses aspirations profondes. Il a réussi à mobiliser les masses urbaines et rurales et à les enrôler au service de la cause nationale. C’est en cela que sa contribution au mouvement national a été absolument décisive. Il a été un éveiller de consciences.

Avec lui, le peuple tunisien a pris conscience de sa force. Et de sa capacité à s’inventer un destin et à écrire son avenir.

Bourguiba fut un combattant intrépide et un homme d’Etat visionnaire. L’homme fut un authentique patriote et un dirigeant d’une haute droiture morale. Il a, bien sûr, commis des erreurs de jugements et fait des choix parfois discutables. Son œuvre est loin d’être entièrement exemple de reproches. On le sait, Bourguiba n’a pas permis à la démocratie de s’épanouir. Mais son legs est précieux.

…Avec Kheiredinne Pacha, Bourguiba constitue l’une des deux grandes figures saillantes du mouvement réformiste tunisien. Il a été le défenseur intransigeant de la personnalité arabo-musulmane de la Tunisie, et en même temps le promoteur d’une civilisation moderne fondée sur la raison. Le génie bourguibien était un génie de la synthèse et de conciliation. Bourguiba a administré la preuve éclatante qu’il était possible de concilier l’Islam et la modernité, en encouragement la réouverture de la porte de l’Ijtihad. L’exemple de Bourguiba doit continuer à nous inspirer. Et à inspirer tous les patriotes de ce pays.

Néjib Sassi , Arabesques 2013

 

 

Visionnaire, stratège, légaliste

Par Hassen Fodha,

professeur de droit international, ancien diplomate

Pour Bourguiba, rien ne pouvait s’acquérir instantanément ; il fallait procéder par étapes, distinguer l’essentiel de l’important. Le code du statut personnel faisait, selon lui, partie de ce qui est « essentiel », donc à réaliser d’urgence, car il s’agissait là de promotion des droits humains. Malgré l’opposition de certains milieux, il lança ce code, fondamental pour la liberté de la femme. C’était la première étape d’une action à long terme. À preuve, son successeur, le président B en Ali, a repris cette action en la renforçant.

Bourguiba était donc un pragmatique. Sa démarche politique a toujours été marquée par le bon sens et la justice. Juriste de formation, tout procédait pour lui de la légitimité et de la légalité. Les deux exemples les plus frappants qui me reviennent aujourd’hui à l’esprit sont la lutte pour l’indépendance de la Tunisie puis l’évacuation de la base militaire française de Bizerte, ensuite son discours à Jéricho sur le conflit du Moyen-Orient.

Bourguiba travaillait sans cesse à faire inscrire la question de l’indépendance de la Tunisie à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies. Il y arriva en décembre 1952, ce qui donna à la guérilla tunisienne une reconnaissance internationale et une légitimité. Pendant la guerre d’évacuation de Bizerte, en 1961, Bourguiba avait également tout fait pour amener le Conseil de sécurité de l’ONU à se saisir de la question. Le secrétaire général de l’époque, Dag Hammarskjöld, s’était ainsi déplacé à Bizerte malgré le veto de la France, avant d’exposer au Conseil son rapport sur la situation et les humiliations que lui avaient fait subir les troupes françaises. Son discours de Jéricho (1965) suppliait les Palestiniens et les pays arabes de s’accrocher à la légalité internationale et d’échanger la stratégie de la guerre contre celle de « l’essentiel et l’important » en acceptant le partage des territoires tel qu’approuvé par le Conseil de sécurité en 1947. Aujourd’hui, on en est bien loin…

Bourguiba avait l’habitude de dire dans ses discours publics : « Les hommes de ma stature ne courent pas les rues. » Il n’est pas donné à tout le monde d’assumer une telle affirmation sans se ridiculiser. Dans le chaos et les différentes crises qui marquent cette première décennie du XXIe siècle, on s’interroge sur le silence assourdissant des voix de la sagesse et sur l’absence de guides. Le président Barack Obama en a l’étoffe. Il faut juste lui donner du temps.

Jeune Afrique, Avril 2010

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