Un coup d’état peut en cacher un autre : Amor Chedly

« Un coup d’état peut en cacher un autre »

Réponse du Pr Amor Chadli à M. Viencent Geisser

Votre publication du 5 novembre 2014 sur facebook

 

Dans votre publication, vous confirmez que Rached Ganouchi et Abdelfatah Mourou étaient parfaitement au courant du projet du coup d’Etat du 7 novembre 1987 et qu’ils ont même donné leur feu vert ».

Rached Ghanouchi lui-même reconnait l’existence de ces manipulations. En 1991, réfutant l’accusation d’un complot fomenté par Ennahdah, il déclarait : « Complot islamiste, annonce-t-on, alors que nous assistons à un scénario qui rappelle, toutes conditions égales par ailleurs, celui qui a permis l’éviction de Bourguiba en 1987. C’était Ben Ali poussait à la répression à cette époque pour garantir le maximum du succès à son putsch » (Le Monde du 24 mais 1991).

La vérité est que Bourguiba ne s’est jamais acharné contre les islamistes, il n’a jamais poussé à la sévérité et encore moins exigé la peine capitale. Il s’en est tenu à la décision de la justice. Il avait invité des observateurs internationaux au procès des islamistes des 27 août 27 septembre 1987 et l’avait ouvert aux journalistes tunisiens et étrangers afin d’en garantir la transparence. En 1984, il avait gracié Rached Ghanouchi, Abdelfatah Mourou, Salah Karkar, Mohamed Trabelsi, Mohamed Salah Boughanmi,… condamnés en 1981 à 10 ans de travaux forcés.

Rachid Sfar le reconnaît «  Le gouvernement tunisien a fait son strict devoir pour protéger l’immense majorité des Tunisiens et des Tunisiennes contre la barbarie et contre la violence qu’a commencé à engager le mouvement islamiste… Nous avons été contraints d’arrêter les responsables et de les traduire devant la justice. Quand nous avons eu des preuves de leur collusion avec une puissance étrangère, l’Iran, il était de notre devoir d’informer la justice ». (Radio Voix de l’Allemagne, Cologne, 17 septembre 1987).

…Les indices qui plaident en faveur de la collusion entre Ben Ali et les islamistes sont devenus patents lors du procès des 27 août 27 septembre 1987. Rappelons les faits :

Sur les 90 accusés, 37 ont été jugés par contumace dont les 10 condamnés à 20 ans de travaux forcés. Sur les deux condamnés aux travaux forcés à perpétuité, seul Rached Gahnouchi était en état d’arrestation. Sur les 7 condamnés à la peine capitale, 5 (Ali Larrayedh, Hamadi Jebali, Salah Karkar, Abdelmajid Mili, Fethi Maatoug) ont été jugés par contumace (L’Action du 27 septembre 1987, P. 1 et 5), alors qu’ils se trouvaient à Tunis. « Ali Laraaydh a reçu deux journalistes français venus, début septembre, l’interviewer dans une cachette de la banlieue de Tunis » (Jeune Afrique n°1395 du 30 septembre 1987, p32). « Des dirigeants aussi importants que Salah Karkar, Hamadi Jebali et Ali Laraayedh se trouvent toujours à Tunis où ils se cachent dans une clandestinité pas toujours aussi opaque que l’on pourrait imaginer » (Jeune Afrique n°1396 du 7 octobre 1987, p18). Et Hamadi Jebali de préciser « Sachez qu’en tant qu’ancien militant condamné à mort, je me promenais en plein centre-ville et prenais mes repas dans un restaurant mitoyen du ministère de l’intérieur » (La Presse de Tunisie du 28 mars 2012).

…Ben Ali revenait à la charge auprès de Président en l’informant quotidiennement de la saisie de documents accablants, de preuves irréfutables de la collusion des islamistes avec l’Iran, des rafales de police ayant permis la capture des condamnés par contumace en septembre,… jusqu’au jour où le Président finit par lui dire : « S’il existe des preuves évidentes, il conviendrait de les présenter à la justice qui seule est qualifiée pour trancher ». Depuis, la rumeur publique s’est saisi de la nouvelle de l’ouverture d’un nouveau procès, accusant Bourguiba de l’avoir exigé et d’en avoir fixé la date avant la fin de l’année.

…C’est  là, à mon avis, la véritable raison qui a motivé la destitution de Bourguiba le 7 novembre 1987. Ainsi, le projet de coup d’Etat des islamistes du 8 novembre 1987 ne serait qu’un scénario conçu par Ben Ali pour détourner l’attention sur le sommet d’Amman. Il lui était d’autant plus loisible d’obtenir l’assentiment des dirigeants islamistes présents à Tunis lors du procès du 27 août 27 septembre 1987 (Hamadi Jebali et Salah Karkar condamnés à mort par contumace lors de ce procès n’ont quitté Tunis que le 26 octobre 1987, (African Manager du 21 avril 2014) que ces dirigeants savaient parfaitement que leur mouvement était faible et ne disposait pas des moyens qui leur auraient permis de réussir un coup d’Etat. Leur profil bas sous la présidence intérimaire de Ben Ali, de 1987 à 1989, en constitue une excellente preuve.

 

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