Wassila : Le « complément » de Bourguiba

Le « complément » de Bourguiba

Par Tahar Belkhodja

(Extrait de son ouvrage « les trois décennies Bourguiba »)

Réalités – N° 707 – 7/7/1999

« Il (Bourguiba) choisira le 12 avril 1962, dix-neuf ans jour pour jour depuis sa première rencontre avec Wassila, pour se mettre enfin en harmonie avec lui-même en l’épousant, après avoir divorcé de Mathilde, la Française, compagne vaillante des premiers combats politiques. Vite, la bourgeoise tunisoise devint, à Carthage, un précieux facteur d’équilibre, chez qui faisaient antichambre les Premiers ministres et tous les collaborateurs du Président. Et si elle a toujours semblé soutenir tel ou tel poulain politique, elle n’a jamais joué, en vérité, qu’un seul joker : Bourguiba. Et, à l’époque, les hauts responsables ont tous vécu sous la « pesanteur du palais » de Carthage, et les colères de Bourguiba étaient, à  l’occasion, habilement attisées ou tempérées par Wassila ; néanmoins, elle fit souvent preuve de sagesse et sauva bien des situations difficiles.

Wassila connaissait son époux mieux que quiconque et le complétait efficacement, le précédant ou le suivant, mais sachant toujours lui dépêcher les interlocuteurs indispensables. Apparemment, Bourguiba la tenait à F écart des affaires politiques, et nous savions que leur complicité était conjoncturelle. Nous n’étions pas au Maroc où la compagne du roi est officiellement « l’épouse du roi », mais non pas la « reine ». En Tunisie, communément : c’est la « Présidente » ; officiellement : c’est la « Majda » (la Vénérable).

Elle défendait âprement ses proches et son entourage, souvent égratignés par Y opinion publique, qui lui reprochait, en outre, d’avoir aidé à sévir contre la famille beylicale et contre la « vieille » bourgeoisie tunisoise tant soit peu mêlée à l’ancien régime.

Le duo Bourguiba-Wassila s’imposa pendant les trois décennies. Nous nous en sommes tous accommodés malgré quelques coups d’épingles réciproques pour certains, et des ressentiments ou des disgrâces douloureuses pour d’autres. En même temps, outre son « cercle intérieur »,  elle sut se constituer un réseau de sympathies avec les épouses de plusieurs chefs d’Etat arabes, en profitant pour s’entretenir politiquement avec leurs époux ; ce dont Bourguiba s’accommodait, d’autant plus qu’il n’eut jamais d’atomes crochus avec la plupart des leaders arabes.

Son divorce, le 11 août 1986, par un simple communiqué, sans que la procédure légale eût été respectée, marqua presque symboliquement, pour le Combattant suprême, le commencement de la fin… »

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