Fathi Ben Haj Yahia « La gamelle et le couffin »

Fathi Ben Haj Yahia

La gamelle et le couffin

…On était en octobre 1973 et la Révolution palestinienne fascinait la jeunesse du monde entier par la noblesse romantique de sa résistance devant la puissance impérialiste américaine et l’ennemi sioniste.

…On était une dizaine de militants et de militantes à partir pour Beyrouth, par petits groupes et à des moments différents afin d’égarer les soupçons.

On a pris le train jusqu’à Istanbul, on a continué en bus jusqu’à Damas puis jusqu’à Beyrouth où on est descendu au camp de Tel al-Zaâtar.

…On avait l’impression que la présence palestinienne envahissait Beyrouth. On se déplaçait dans une jeep militaire, harnachés d’armes qu’on n’avait pas encore appris à manier. On entrait par exemple dans un restaurant et Abou Saïd, le jeune chef palestinien de notre groupe, ne nous laissait pas payer un centime. Sa kalachnikov en bandoulière, il faisait au patron du restaurant un signe de la tête, et il n’était impossible de savoir si c’était un salut de la part de la Résistance, une demande élégante d’ajouter la note à l’ardoise ou tout simplement une manière d’intimidation ; la kalachnikov était suffisamment persuasive et dispensait d’inutiles palabres.

A l’aube du troisième jour, on a pris des voitures pour Baalbek puis des jeeps pour gravier un interminable sentier de montagne. On a su plus tard que c’était la région de Nabi Ham où dressaient les camps militaires palestiniens et les bases d’entraînement : un camp pour le FPLP, un second pour le FDLP, un autre pour les dissidents du Fatah et d’autres encore pour quantité d’organisations toutes réunies sous la bannière du Front du refus et protégées par la Syrie.

On se levait à l’aube pour faire des marathons sur des kilomètres dont le nombre augmentait chaque jour. On prenait ensuite un petit déjeuner composée de tomates, de fromage, d’huile d’olive et de lait, avant de commencer l’entraînement.

On nous apprenait à manier les armes, à les monter, à les démonter, à viser et à tirer. On a bien sûr appris à se servir d’une kalachnikov – l’arme emblématique du révolutionnaire – puis du dekteriov, une mitrailleuse légère montée sur carton qu’on avait fabriquées pour y poser de vraies bombes plus jouissif, je l’ai vécu le jour où, lors d’une simulation, j’ai tiré une roquette RBG7 sur un char fictif.

…Ahmed Néjib Chebbi a, de son côté, joué un rôle déterminant du point de vue intellectuel en rédigeant un document prenant le contre-pied de la Brochure jaune et dans lequel il rappelait la définition de la nation par le camarade Staline pour l’appliquer à la nation arabe, en déduite que la Révolution palestinienne. Ce qui était écrit dans la malheureuse brochure n’était, selon lui, qu’une déviation trotskiste sans aucun rapport avec l’orthodoxie marxiste.

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