Wassila

   Wassilla : Une femme d’exception par Hédi Mabrouk

 

Wassila fut pour moi, avec constance, une sœur aînée intensément aimée. Même si nos choix parfois divergeaient, notre amitié n’en fut pas altérée.

Vous savez bien qu’on désigne les êtres d’exception simplement par leur prénom.

Dès ma prime jeunesse, j’eus le bonheur d’avoir des liens fraternels avec Wassila adolescente, d’une irradiante beauté, dotée d’un charme envoûtant et mue par une dense vitalité qui ne pouvait la cantonner dans les douillettes limites d’une vie bourgeoise.

Ainsi sa vie ne pouvait s’accommoder des futilités et des facilités de l’aisance. Mûrissant, elle acquit le don de jauger les gens et d’apprécier les événements, surtout qu’elle jouissait d’une intelligence intuitive qui dominait les aspérités, les reliefs de protection de ses protagonistes pour dégager le terrain voué à sa maîtrise.

Elle s’engagea dans la lutte pour l’indépendance activement, avec courage, dans la rue même, sous l’unique empire de son patriotisme révolté : et par la suite, dans la logique d’un incontournable cursus, elle entra dans le combat politique dans sa finalité sur le plan national.

De certains aspects de ce cursus, développés dans mes confidentielles « Feuilles d’automne », je vous entretiendrais un prochain jour si cela pourrait vous intéresser.

Elles appartient à cette élite de créatures que le Destin à choisies pour marquer leur temps et pour en recueillir les satisfactions et les égratignures.

Elle vécut les unes et les autres avec une égale dignité et souvent avec une hautaine dérision.

Ceux, innombrables, qui l’aiment, évoqueront longtemps, très longtemps, en l’associant aux noms qu’elle porta avec éclat, son prénom devenu symbole d’une légende, avec chagrin et fascination.

 (Réalités -1999)

 

Celle qui tutoyait le pouvoir

Par Chedly Ayari

(Réalités -1999 n°707)

Wassila Bourguiba-Ben Ammar, « la Majda » comme on aimait l’appeler, nous a quittés. Emportant avec elle dans pans entiers de la saga tunisienne que l’Histoire racontera probablement jamais. Ombres, lumière, joies, frustration, épreuves, réussites, échec, bruits, d’alcôves, anecdotes aussi se bousculent pour remplir ces longs chapitres de notre mémoire non écrite… la mémoire d’une Tunisie en quête de son indépendance, puis engagée dans la construction des premiers fondements de « son » Etat, de « sa » Nation, de « sa » modernité. Ce qu’on a dit, ce qu’on a écrit sur la défunte, quand elle tutoyait le pouvoir, puis quand elle en traversa le terrible désert, importera peu, au fond. A l’instar de tous ceux qui furent avec elle les acteurs de nos années de braise, son portrait aura connu tantôt l’ombre, tantôt la lumière. Selon qu’on fût thuriféraire ou détracteur, obligé ou exclu. En ces moments de deuil pour la famille et les amis, le silence recueilli prévaut sur l’apologie et les discours de circonstance que la mort rend toujours propices, mais pas sur le témoignage. De Wassila, la femme, de Wassila, la militante, de Wassila, l’épouse, de Wassila, « la palestienne », de Wassila, « l’homme d’Etat », de Wassila, la passionnée de pouvoir, il faudrait bien, un jour, en dire plus et autrement que ce qui a été dit et écrit déjà… Et en révéler toutes les forces et les faiblesses. Les grands et les petits moments. Les passions et les raisons. Alors la grande Dame qui nous a quittés, un matin ensoleillé de ce bel été naissant, aura trouvé sa place légitime dans les manuels d’Histoire de la Tunisie d’hier et d’aujourd’hui.

 

Celle qui tutoyait le pouvoir

Par Chedly Ayari

(Réalités -1999 n°707)

Wassila Bourguiba-Ben Ammar, « la Majda » comme on aimait l’appeler, nous a quittés. Emportant avec elle dans pans entiers de la saga tunisienne que l’Histoire racontera probablement jamais. Ombres, lumière, joies, frustration, épreuves, réussites, échec, bruits, d’alcôves, anecdotes aussi se bousculent pour remplir ces longs chapitres de notre mémoire non écrite… la mémoire d’une Tunisie en quête de son indépendance, puis engagée dans la construction des premiers fondements de « son » Etat, de « sa » Nation, de « sa » modernité. Ce qu’on a dit, ce qu’on a écrit sur la défunte, quand elle tutoyait le pouvoir, puis quand elle en traversa le terrible désert, importera peu, au fond. A l’instar de tous ceux qui furent avec elle les acteurs de nos années de braise, son portrait aura connu tantôt l’ombre, tantôt la lumière. Selon qu’on fût thuriféraire ou détracteur, obligé ou exclu. En ces moments de deuil pour la famille et les amis, le silence recueilli prévaut sur l’apologie et les discours de circonstance que la mort rend toujours propices, mais pas sur le témoignage. De Wassila, la femme, de Wassila, la militante, de Wassila, l’épouse, de Wassila, « la palestienne », de Wassila, « l’homme d’Etat », de Wassila, la passionnée de pouvoir, il faudrait bien, un jour, en dire plus et autrement que ce qui a été dit et écrit déjà… Et en révéler toutes les forces et les faiblesses. Les grands et les petits moments. Les passions et les raisons. Alors la grande Dame qui nous a quittés, un matin ensoleillé de ce bel été naissant, aura trouvé sa place légitime dans les manuels d’Histoire de la Tunisie d’hier et d’aujourd’hui.

 

Le « complément » de Bourguiba

Par Tahar Belkhodja

(Extrait de son ouvrage « les trois décennies Bourguiba »)

Réalités – N° 707 – 7/7/1999

« Il (Bourguiba) choisira le 12 avril 1962, dix-neuf ans jour pour jour depuis sa première rencontre avec Wassila, pour se mettre enfin en harmonie avec lui-même en l’épousant, après avoir divorcé de Mathilde, la Française, compagne vaillante des premiers combats politiques. Vite, la bourgeoise tunisoise devint, à Carthage, un précieux facteur d’équilibre, chez qui faisaient antichambre les Premiers ministres et tous les collaborateurs du Président. Et si elle a toujours semblé soutenir tel ou tel poulain politique, elle n’a jamais joué, en vérité, qu’un seul joker : Bourguiba. Et, à l’époque, les hauts responsables ont tous vécu sous la « pesanteur du palais » de Carthage, et les colères de Bourguiba étaient, à  l’occasion, habilement attisées ou tempérées par Wassila ; néanmoins, elle fit souvent preuve de sagesse et sauva bien des situations difficiles.

Wassila connaissait son époux mieux que quiconque et le complétait efficacement, le précédant ou le suivant, mais sachant toujours lui dépêcher les interlocuteurs indispensables. Apparemment, Bourguiba la tenait à F écart des affaires politiques, et nous savions que leur complicité était conjoncturelle. Nous n’étions pas au Maroc où la compagne du roi est officiellement « l’épouse du roi », mais non pas la « reine ». En Tunisie, communément : c’est la « Présidente » ; officiellement : c’est la « Majda » (la Vénérable).

Elle défendait âprement ses proches et son entourage, souvent égratignés par Y opinion publique, qui lui reprochait, en outre, d’avoir aidé à sévir contre la famille beylicale et contre la « vieille » bourgeoisie tunisoise tant soit peu mêlée à l’ancien régime.

Le duo Bourguiba-Wassila s’imposa pendant les trois décennies. Nous nous en sommes tous accommodés malgré quelques coups d’épingles réciproques pour certains, et des ressentiments ou des disgrâces douloureuses pour d’autres. En même temps, outre son « cercle intérieur »,  elle sut se constituer un réseau de sympathies avec les épouses de plusieurs chefs d’Etat arabes, en profitant pour s’entretenir politiquement avec leurs époux ; ce dont Bourguiba s’accommodait, d’autant plus qu’il n’eut jamais d’atomes crochus avec la plupart des leaders arabes.

Son divorce, le 11 août 1986, par un simple communiqué, sans que la procédure légale eût été respectée, marqua presque symboliquement, pour le Combattant suprême, le commencement de la fin… »

 

 

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