Silence, on tourne ! : Nadia OMRANE

Silence, on tourne !

Par Nadia OMRANE

Le Maghreb du 14/1/1984

…D’où sortent-ils tous ces mioches qui, partisans de l’ordre ou du désordre ne connaissent plus de discours que celui de la violence ? Ils sont du même bord sans doute, issus de même misère, enfants abandonnées et dressés au «riot contrôl » ou orphelins symboliques prêts à tout flamber. Longtemps on a dû les croire dociles sur les bancs de l’école, à regarder la vie par le carré de fenêtre qui donne sur la cour et par l’institution scolaire, lassés, brimés, éliminés.

…De quoi rêvent-ils donc tous ces jeunes hors des rangs ? D’autre parole libérée, d’une société plus juste, d’une autre idée du bonheur ? Non pas, mais d’une tenue de rocker, d’une vidéo-cassette, de la kawassaki ou de la BMW, de tous les gadgets d’une société de consommation.

…Du reste on a pu voir des meneurs à pied ou à moto, qui, d’un bataillon à l’autre, donnaient des ordres et désignaient les cibles. Lais si ces jeunes ont pu être – dans un deuxième temps – manipulés, c’est qu’ils étaient déjà bien manipulables.

…Mais quand l’immense majorité descendue dans la rue sont des moins de 20 ans, quand ils se livrent aux pires excès, pillent et détroussent, emportent les caisses et s’attaquent à tous les symboles de réussite, quand ils dévalisent les boutiques et enlevant leurs guenilles endossent dans la vue les habits des dimanches qu’ils n’ont jamais eux, alors on est fondé à parler d’une émeute de l’échec, de la frustration et de la haine.

Quant à l’ensemble des forces démocratiques qui s’entêtaient à vouloir faire avancer le processus de libéralisation, les voilà violement rejetés à leurs privilèges et leurs dignités d’intellectuels par les masses populaires dont ils n’ont jamais pris la pleine mesure des frustrations et des rancœurs.

 

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