Roger Seydoux reçoit les émissaires de Ben Youssef

Roger Seydoux reçoit les émissaires de Ben Youssef

Le 28 décembre 1955

 

J’ai reçu tout récemment les visites successives de deux amis de Salah Ben Youssef.

Mes interlocuteurs, qui étaient chargés de messages identiques, m’ont dit que l’ancien secrétaire général du Néo-Destour s’inquiétait de l’accélération de l’application des Conventions dans le domaine de l’ordre public, accélération de nature à gêner son action puisqu’elle permettait au Gouvernement tunisien, et en particulier à Mongi Slim, de disposer des moyens de police qui ne devraient normalement relever que du Haut Commissaire.

Mes interlocuteurs m’ont déclaré que de nouvelles mesures de cet ordre seraient considérées par Salah Ben Youssef comme une ingérence de la France dans les affaires tunisiennes puisqu’elles tendraient à faire sortir de Haut Commissaire de son rôle d’observateur impartial de la politique de la Régence.

Je ne devais considérer ces démarches que comme un avertissement amical. J’étais prié toutefois de ne pas me monter plus libéral en matière d’ordre public. M. Salah Ben Youssef devait, si je persévérais dans cette voie, tirer les conséquences de mon attitude «lorsqu’il serait au pouvoir dans trois mois tout au plus». Mes deux visiteurs, qui ne m’ont pas caché que l’ancien Secrétaire Général du Néo-Destour s’irritait de son isolement progressif, m’ont fait savoir que M. Salah Ben Youssef désirait me rencontrer en privé. Cette requête m’avait déjà été adressée quelques jours avant mon départ pour Paris.

J’ai donné à mes interlocuteurs les assurances que vous m’avez autorisé à communiquer à l’intéressé en ce qui concerne sa sécurité. Je leur ai dit d’autre part que j’étais favorable à la liberté de réunion, dans la mesure où l’ordre public ne risquait pas d’être troublé.

J’ai réservé ma réponse sur la demande d’entrevue, me contenant d’indique qu’à Tunis le secret n’était pratiquement jamais assuré.

Ces propos, qui traduisent l’inquiétude de Salah Ben Youssef et de ses amis, sont à reprocher de ceux que m’a tenus S.A. le Bey samedi matin (référence mon télégramme n°4518/4525).

Roger Seydoux

 

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