Tunis s’est beyrouthise

Tunis s’est beyrouthise

Par Moncef Mahroug

Le Maghreb du 14/1/1984

La vague de protestation contre le doublement du prix pain du pain et la hausse des autres denrées céréalières, partie du Sud du pays fin décembre 83 n’a atteint Tunis que le début janvier 84. En certains endroits de la Tunisie méridionale la révolte du pain avait commencé dès le jeudi 29 décembre. Mais c’est seulement le lendemain vendredi en fin de journée que les premières bribes d’information sur la situation dans le sud ont été rapportées par des voyageurs arrivés à Tunis. « C’est la pagaille. L’armée est intervenue ».

Lundi le malaise il était perceptible dans les lycées et surtout dans les facultés où les émeutes qui se déroulaient dans plusieurs villes du Sud, ont fait l’objet de discussion au cours d’«A.G.» tenus dans les divers établissements universitaires. Les autorités elles mêmes sentant la tension monter ont tôt dans la matinée du lundi déployé des cars de police à l’abord des lycées et des facultés et en divers endroits stratégiques de Tunis. Le décor de la crise était planté. Les premières escarmouches entre lycéens et «BOP» ont lieu lundi en fin de matinée.

La première colonne de fumée s’élève très haut dans le ciel de la capitale : des jeunes de moins de dix-huit ans, tout excités de créer un événement, dressent un barrage à l’aide de pneus de voitures et y mettent le feu. Peu après deux cars de police se déployent sur la place de Bab El Khadhra et dispersent les jeunes. Partout ailleurs à Tunis la même scène se joue avec les mêmes acteurs. Vers 10 heures les premières «victimes» tombent : des vitrines de magasins défoncées avec des pierres ou des gourdins.

…L’ombre d’un nouveau 26 janvier commençait a planer sur une capitale paralysée par la cessation de toute circulation et par la fermeture de la quasi-totalité des magasins. Au fil des minutes et du gré des arrivées de «renforts» pour les manifestants – en provenance des bidonvilles qui ceinturent la capitale – la colère se fait de plus en plus dévastatrice. Le contrôle de la situation échappe progressivement aux policiers.

…Après avoir tourné à l’émeute, les manifestations se transformaient en début d’après-midi de ce 3 janvier en véritable insurrection. Les manifestants ne se défoulaient plus seulement sur les magasins et les voitures. Les établissements publics, symboles de l’autorité étaient aussi pris pour cible. Des quatre coins de la capitale montent de grandes colonnes d’épaisses fumées noires. L’ai et l’atmosphère s’alourdissent. Des images menaçantes reviennent dans les esprits. Et certains n’hésitent pas à faire de sombres comparaisons : « C’est un nouveau Beyrouth ».

Comme il y a six ans, c’est dans l’après-midi que les autorités, ayant acquis la certitude de la gravité de la situation, se sont résolues à recouvrir à l’armée pour ramener l’ordre à Tunis. Peu après 14 heures aux hélicoptères qui depuis le matin tournoyaient dans le ciel de la capitale viennent se joindre deux chasseurs de l’armée. Au même moment un commando se déploie autour du siège de la R.T.T tandis que les chars se postaient aux points névralgiques de Tunis. L’Etat d’urgence était proclamé.

 

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