Le procès de Ben Salah : dominac (le Monde 15 avril 1970)

 

Un homme qui avait été dix ans ministre aux postes les plus importants est traduit devant une Haute cour instituée à cet effet, menacé de la peine de mort pour forfaiture … Allons-nous dire : « un de plus ? » Dans  le monde entier , la politique nous afert suffisament d’exemples de ces reverssement tragiques. Mais Ahmed Ben Salah est tunisien ; avec Bourguiba, aux coté de Bourguiba, il incarnait à nos yeus cette nation vive, intelligente, policée, à propos de laquelle vient naturellement cette expression que Jean Rous applique du tout ou rien(1) ; »

Est-ce donc une fatalité ? Les petites notions qui affrait comme un modèle d’équilibre raisonnable semble vaciller l’une après l’autre vont-elles  se laisser happer par l’engrenage, se laisser réduire à la commune horreur, à la commune stupidité ? le Cambodge est tombé. Le Liban est menacé. La Tunisie ,qui est moins exposée, fera-t-elle son malheur elle-même?

Pendant trente ans, Bourguiba a su joindre l’habileté dans le choix des moyens de la constante dans la poursuite des buts. La manière dont il obtint l’indépendance,la manière dont il soutint la lutte nationale algérienne, le courage de sa position dans  la conflit israélo-arabe, tout cela peut ètre citéen exemple. Alors pourquoi, soudin, se rertourne-t-il contre celui  qu’il a défondu si, longtepms, contre celui qui disait à ,tout venant : « Bourguiba est un génie, c’est la chance de la Tunisie » ? L’an dernier, c’est Bourguiba qui pressait son ministre du plan d’appliquer le système corporatif aux terres privées.  Qu’on ne dise pas que le vieux lion a voulu éliminer un rival ambitieux jamais Ben Salah a essayé de supplanterle   historique , et c’est même pour cela que ce leader syndicaliste, taillé en force, n’a pas cherché la popularité, ne s’est appuyé sur aucun groupe , aucune tendance, et il le paie cher aujourd’hui. Tandis que d’autres s’enrichissaient dans les sinécures et menaient la vie de château, Ben Salah travaillait obstinément à ce qu’il croyait ètre le bien du peuple tunisien . Et on l’accuse de complot et de détournement de fonds ! on l’avilit avant d’essayer de le tuer.

La  haine des privilègiés

La clé de cette énigme, je crois la trouver dans un article qu’écrivait Ben Salah en 1957 : »pour étre positive , la décolonisation doit se traduire par la démocratisation et l’assainissement des structures économiques du pays, par l’abolition des privilèges au sein même de la nation libérée du joug colonisateur. » Ben Salah avait été très influencé par Emmanuel Mounier ; dans cet article on trouve la philosophie qui va inspirer sa réforme. La lébération nationale doit s’achever dans une lutte contre l’inégalité, mais ni l’une ni l’autre ne doivent rester négatives : la décolonisation implique le meilleur usage des instruments arrachés à la colonisation ; la réforme économique et social a pour tache d’ »opérer lentement, profondément, une révolution des structyres du pays et des rapports entre citoyensdans le sens de l’humanisation ».

Abolir les privilèges, c’est s’exposer un jour ou l’autre à la chaine des prévilégié. Lorsque  Ben Salah, encourag par Bourguiba lui- même , touche aux grandes propriété du Cap-Bon et d’ailleurs, la cabale des nantis et des arrivistes se déchaine,et elle profite de la maladie de Bourguiba pour le circonvenir. Naturellement elle trouve dans certains milieux étrangers les soutients qui souffrent toujours à ceux qui disent défondre l’ordre établit contre la subversion. Que Ben Salah ait écarté les marexites, que son anticommunisme soit allé s’accentuant, que son socialisme soit beaucoup plus suédois que sovéitique, qu’il ait, hélas ! laisser faire la répression qui s’abattit, ces dèrnière années, sur des groupes d’intellectuels révolutionaires, on s’en moque : il a commis le crime d’attenter à la proprété. On l’abat il aura facilité l’opération par ses propres erreurs : sa volonté de forcer la réalité , une précipation qui permet aux notables d’exploiter le mécontentement des petites gens contre celui qui croyait faire leur bien. Mais ce ne sont pas les maladresses de Ben Salah qu’on s’apprète à juger, c’est sa politique c’est sa tentative  d’un socialisme tunisien à visage humain. Quelques jours avant son arrestation, il confiait à un ami : » ce qu’on ne me pardonnera pas, c’est d’avoir voulu former des gens responsables . » donner à manger aux pauvres, à la rigueur… mais leur donner conscience cela ne se pardonne pas .

Le bruit court que certaines autorité françaises ne sont pas étrangères au coup qui vient d’ètre exécuté.  Le général du Gaulle avait déjà eu l’occasion de rectifier les calomnies que certains répandaient sur Ben Salah, on s’est lanc é dans la « politique méditerranéenne » et l’on a pu imaginer qu’elle tirerait profit d’un retour au conservatisme en Tunisie. Les copératives, c’est dangereux ; un ancien syndicaliste , c’est suspect … Quelques « francophiles » tunisiens ont habilement travaillé des oreilles complaisentes.

 

Une orientation décisive

Belle, réussite! Quelque jours après l’avoir fait arrèter, le gouvernement tunisien a annoncé son intention d’annuler la décision qu’avait prise Ben Salah de faire apprendre le français dés la première année d’école primaire. Ceciindique la voie que suivront forcément les dirigeants tunisien s’ils persistent à prendre Ben Salah comme bouc émissaire, car il n’y a qu’une alternative ou la modernisation qu’il préconissait ou unun arabisme réactionnaire à la façon ded Salah Ben Youssef . après tant de malheureuses expérience coloniales, y aurait-il encore en France des gfens pour croire que plus on est réactionnaire, plus on est pro-français ? notre gouvernement serait-il tenté de se conduire au Maghreb comme les Etat-Unis en Amérique latine ?

Il ne s’agit pas seulement d’un homme que nous continuons d’estimer et que nous voudrions aider dans son malheur. Il s’agit d’une orientation décisive pour la Tunisie. Parlons net : ce que nous avons pu faire contre le colonianisme ne nous donne aucun droit de remontrance. A d’autre, le complexe de la belle-mère ! simplement, nous sommes un certains nombre pour qui la Tunisie de Bourguiba a beaucoup compté. L’ignoble procé monté contre Ahmed Ben Salah ternirait une grande image. Nous ne pouvons imaginer que le bourguibisme finisse par ressenbler à ce qu’il a toujours combattu : l’égoisme des nantis, l’obscurantisme des fanatiques. Il se peut que la politique de Ben Salah ait abouti à une impasse provisoire ; c’est aux dirigeans tunisiens, qui l’avait soutenue jusqu’à maintenant Ben Salah ils déclencheront une réaction qui finira les emporter eux aussi. Que Bourguiba héros de la décolonisation lucide, laisse aller à son terme fatal un procés ou son disciple et son meilleur auxiliaire serait condamné- on ne peut dire jugé- par des ennemis politiques qu’anime la vengeance de classe, qu’une telle barbarie ait lieu dans ces pays généreux, dérigé par l’un des plus glorieux leaders de l’anticolonialisme, voilà qui insulterait l’avenir- mais aussi le passé-d’une longue et précieuse amitié.

 

 

Article de J.M. Domenach

Le Monde 15 Avril 1970

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