Lettre de Driss Guiga à Bourguiba

Lettre de Driss Guiga à Bourguiba

 

A Monsieur le Président de la République,

Carthage,

…Mais voici que je me vois assigné à comparaitre devant une Haute Cour de Justice, pour haute trahison, en me demandant ce qui me vaut c’est excès d’honneur ou cette indignité.

…L’origine de l’affaire, est cette malheureuse décision de l’augmentation du prix du pain. C’est le fait générateur de la crise qu’a traversé et que traverse encore le pays. Comme toujours dans le cas d’augmentation des prix de base de l’alimentation, et du pain en particulier il y a réaction violente. Les Césars romains le savaient ; pour l’avoir ignoré les Rois de France ont permis le déclenchement de la révolution ; de nos jours encore au Caire,  à Casa, en Pologne et ailleurs les mêmes causes produisent les mêmes effets.

L’affaire du pains, la révolte du pain avait commencé il y a longtemps ; au printemps 1983. M. Moalla alors ministre du plan et des finances avait proposé dans un débat télévisé une légère augmentation de 15% du prix – tous les tunisiens se souviennent, que le Premier ministre est alors intervenu dans le débat par voie téléphonique et a proclamé vigoureusement son opposition à toute augmentations.

…A la réunion du Comité Central du Parti en novembre, et en réponse au brouhaha soulevé par l’annonce chiffrée des mesures envisagées, la réponse du Secrétaire général du parti, le Premier ministre, consista en une harangue appelant les militants à la discipline et au courage politique.

…Or nous avons eu affaire à des désordres d’une ampleur, d’une simultanéité, et d’une extension jamais atteints. Il était évident que les services d’ordre seraient incapables de s’imposer. Et c’est ce qui a motivé l’appel à la rescousse des forces de l’armée nationale, décidée a ma demande par le Premier ministre et exécutée par M. le Ministre de la Défense nationale dès les premiers jours à Kabili, Douz et Kasserine.

Je dois dire qu’effectivement le Premier ministre a été énormément et exagérément pris à parti, ce que, personnellement je regrette ; cela s’est passé à Tunis, mais aussi dans beaucoup d’autres villes, Sousse, Jendouba, Tozeur, Gabès, Gafsa et ailleures.

Dans l’esprit de ces foules le Premier ministre avait affirmée à la télévision son inébranlable intention de maintenir les nouveaux prix ; or elles apprenaient le 6 janvier par votre bouche la décision de revenir aux anciens prix ; comment empêcher dès lors les gens d’avoir le sentiment d’un désaveu ?

Le Premier ministre s’est attaché a minimiser la gravité des évènements, et s’est opposé à tout retour aux anciens prix ; il s’est contenté d’envoyer M. Chekir s’expliquer d’une manière peu convaincante à la télévision. C’est cette attitude de cacher la vérité qui a été à l’origine du 3 janvier. Ce n’est pas moi, Monsieur le Président qui ait provoqué les désordres du 3 janvier.

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