R.G. français : Notre agent à Tunis 1956

R.G. français 

« Notre agent à Tunis 1956 »

 

…En juillet 1956, Richard Christmann s’est installé à Tunis. L’ancien manipulateur de l’Abwehr dans les milieux musulmans de Paris s’y en terrain conquis. D’une part, il fut, dans les années 20, légionnaire dans la région et, d’autre part, plusieurs de ses agents de la guerre étaient tunisiens. C’est particulièrement le cas de Béchir Madhébi, ancien responsable de la section tunisienne qui comité Yassine chargé de la propagande en faveur de l’Axe dans les milieux musulmans. Malgré sa carte de visite d’«ingénieur», délégué d’industries allemandes» et animateur de l’OTTECA (Officie technique tunisien d’échanges économiques et culturels avec l’Allemagne), Madhébi n’est pas dupe : c’est bien le premier résident du BND en Tunisie nouvellement indépendante qu’il accueille. Christmann se prévaut également de représenter la firme chimique Hoechst (filiale reconstituée de l’IG Farben démantelé pour son rôle dans les crimes contre l’Humanité) et les optiques Karl Zeiss, qui a toujours fourni des couvertures au renseignement allemand depuis la République de Weimar, recevant en échange des renseignements économiques de nature à favoriser son développement.

…Christmann avait déjà retrouvé son ami tunisien dans des circonstances peu reluisantes, à la prison de Fresnes, au quartier des collaborateurs musulmans, dont Madhébi était, en 1947, le «Mufti d’honneur». Chirstmann s’était alors fait passer pour «malhométan»…

…Par la suite, assigné à résidence à Sfax, le Tunisien a participé à la commission pour l’autonomie interne de son pays en 1955. L’année suivante, lorsqu’il reprend du service auprès de son officier traitant allemand, il dirige la radio tunisienne. Par son entremise, le résident du BND s’entracinera un solide réseau de renseignement. Mais sa couverture OTTECA fait aussi fonction d’ambassade. C’est ainsi que le conçoit l’entourage de Habib Bourguiba, enfin arrivé au sommet de sa carrière.

…Un an plus tard une ambassade s’installe au 18, de la rue Félicien-Challaye (du nom du collaborateur français ami de la cause musulmane !), son premier titulaire, Werner Gregor, étant lui-même un ancien de l’Abweher, autrefois attaché à la protection de la base sous-marine de Brest. Désormais, Richard Christmann se livre uniquement à ses activités de renseignement par l’intermédiaire de Madhébi (alias BETA au rôle d’inscription du BND). De Pullach, son ancien chef de l’Abwehr, Hermann Giskes, dirige à nouveau son activité, sous le pseudonyme de visiter également Tunis. Il possède aussi son propre réseau, ou, du moins, ses contacts recoupent-ils les agents de Christmann. Ainsi, ce dernier note dans ses rapports la visite de Lauterbacher à un vieil ami, ancien partisan de Rommel qui n’est autre qu’Hassan Kadour, un riche propriétaire foncier de Sfax, enregistré sous le nom de code ALT 9 comme informateur de Christmann.

…Dans cette même liste figure le « groupe des cinq », les principaux contacts réalisés grâce à BETA et qui permettent de jouir d’une influence incontestable. Qui sont-ils ? D’importantes personnalités : Mohamed Masmoudi (ALT 39), ministre de l’Economie ; Béchir Ben Yahmed (ALT 36), ministre de l’Information ; Mustapha Zaanouni (ALT 7), ministre du Plan ; Mondher Ben Amar (ALT 32), le frère de Ouassila la maîtresse de Bourguiba, bientôt son épouse légitime. Mondher Ben Amar sera tour à tour ambassadeur à Rome, puis à Bonn, en grande partie à l’instigation du BND et principalement de Giskes. C’est d’ailleurs souvent à Rome, en liaison avec le capitaine de corvette Heinz Schomburg et surtout le résident du BND, le propre frère du «général vert-de-gris», Johannes Gehlen (alias Don Juan), que se traitent de nombreuses affaires tunisiennes.

…De même, le réseau du résident en Espagne, Rudolf Recke, assure la logistique à de nombreuses opérations sur le Maroc où il a déjà servi pendant la guerre comme officier des services de l’Abwehr lui aussi.

…Ali M’Rad (Alt 3), le patron des services secrets, et Driss Guiga (Alt 4) sont les deux hommes avec qui Christmann entretient les meilleures relations. Marié à une algérienne, ce dernier jouera un rôle important de soutien au FLN qui va s’installer dans la capitale.

….Mission de Christmann, définie par son patron et ami, Giskes ? Organiser la formation et l’encadrement des services de sécurité. C’est l’opération Agave. Ainsi fin 1956, par les biais de la firme Karl Kolb de Francfort, il livre à ses amis du matériel d’espionnage électronique. Mieux, dès septembre, il a provoqué à Rome la première rencontre de Giskes avec «Hannibal», autrement dit l’ambassadeur Mondher Ben Amar, au terme de laquelle Driss Guiga et des hommes d’Ali M’Rad vont subir un entraînement à Pullach.

Comments are closed.