Mansour Moalla : Tiers monde : « Ce sera de plus en plus difficile »

Tiers monde : « Ce sera de plus en plus difficile »

Par Mansour Moalla

Jeune Afrique du 10/10/1984

…En ce qui concerne les pays en voie de développement, il faut d’abord compter sur soi même, quitter les chemins de la facilité, s’imposer la rigueur nécessaire pour pouvoir être crédibles et exiger des pays développés d’«ajuster» aussi leur politique de manière moins égoïste.

…De toutes parts, donc, des appels ont été lancés aux Etats-Unis pour qu’ils prennent les mesures nécessaires (réduction du déficit budgétaire, baisse des taux d’intérêt) afin de combattre la disparité géographique qui caractérise la reprise actuelle.

…La poursuite de la convalescence et la consolidation de la reprise économique mondiale reposent donc sur l’attitude des Etats-Unis et les décisions que prendra l’Administration américaine.

…La sortie de la crise sera encore plus difficile et sûrement beaucoup plus pénible pour les pays en voie de développement.

…Nos pays, en matière de gestion économique et financière, avaient au moins l’excuse de manquer d’expérience. Cette excuse n’existe plus : ils continueront de payer cher pour apprendre que la facilité ne paie pas. Individuellement, d’abord, les pays du Tiers monde devront faire face. Le mieux, finalement, est de «s’auto-ajuster» avant de se «faire ajuster». Là où c’est encore possible, il vaut mieux prévenir que guérir.

…Mais lorsqu’il proclame que «l’ajustement» est «obligatoire» et que le choix du moment, il exprime une réalité : chacun doit résoudre ses propres problèmes afin de pouvoir faire bonne figure.

…Un producteur entrepreneur ou salarié de nos pays doit être honoré et traité dignement : il est à l’origine de la richesse. Pour produire, il faut investir. Pour investir, il faut avoir confiance. Pour inspirer confiance, il faut instaurer le règne de la loi et éviter l’arbitraire, réduire autant que possible les tracasseries bureaucratiques, libérer les initiatives, ne pas entraver le bon fonctionnement du marché, récompenser les succès et sanctionner les échecs, circonscrire les artifices et subventions qui pervertissent les mécanismes de la production et créent une mentalité d’assisté.

Ne pas vivre au-dessus de ses moyens ensuite, c’est-à-dire ne pas consommer plus que ce qu’on produit, règle simple mais généralement peu suivie.

…Le gaspillage, la mauvaise utilisation des ressources, l’abus de consommation seront efficacement combattus et beaucoup mieux qu’avec des appels pathétiques au sens critique. Ainsi l’on pourra, dans nos pays, alléger le poids de la dépense publique, réduire le déficit budgétaire, détendre le marché des capitaux et permettre aux entreprises d’y trouver, à des taux abordables, les ressources dont elles sont besoin pour investir.

…Collectivement aussi, les pays du Tiers monde peuvent faire beaucoup pour «s’aider eux-mêmes» et faire meilleure figure sur la scène internationale. En regardant une carte du monde, en pensant aux guerres, aux conflits et aux disputes qui existent dans nombre de régions du Tiers monde et entre pays du Tiers monde, on pense au gaspillage énorme de précieuses ressources et qui auraient pu contribuer au développement et nos pays.

…Commençons par mettre de «l’ordre» chez nous, nous aurons plus de chance de contribuer plus efficacement à l’instauration de cet ordre économique nouveau.

Si, de manière plus simple et pragmatique, évitant «fusions» et unions hâtives, les pays du Tiers monde commençaient, à l’échelle régionale, par créer des zones économiques graduellement intégrées, à l’abri des soubresauts politiques, non seulement ils pourraient mieux faire face à la crise et en sortir avec moins de douleur, mais ils seraient aussi plus respectés, plus crédibles et leur voix serait mieux entendue au sein des instances internationales.

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