Histoire d’humiliation de Moncef Bey : Fayçal Chérif

Histoire d’humiliation d’un souverain

 

Fayçal Chérif

 

Le 13 mai à 11 heures, le général Juin entouré de plusieurs officiers et généraux, dont le général Barré désigné en qualité de Commandant supérieur des troupes de Tunisie se rendit à la Marsa, à la rencontre du Bey qui fut entouré par M’Hammed Chenik et son frère Hassine. La général Juin, gêné d’exécuter un acte qu’il qualifie lui-même d’impolitique, invita le Souverain à renoncer au trône de son plein gré. Moncef Bey répliqua qu’«il entendait n’avoir de comptes à rendre qu’à son peuple, dont il était l’émanation et, dès l’instant que son peuple ne lui demandait rien, il n’avait, étant tranquille avec sa conscience, aucune raison de céder le Trône ». Les instructions venues d’Alger insistaient pour ce que la destitution eût lieu à chaud afin de profiter du désarroi des esprits et du choc produit par la défaite des puissances de l’Axe. L’accusation en soi n’était guère fondée, mais les actes de souveraineté trop marqués du Souverain poussaient le Gouvernement provisoire d’Alger à envisager un changement de personne au sommet de la plus haute hiérarchie politique du pays. D’ailleurs, le général Juin, s’est livré à une rapide enquête pour savoir si le Bey et d’autres personnages s’étaient vraiment compromis avec les autorités occupantes.

« Tous au plus pouvait-on reprocher au Bey Moncef d’avoir, sur l’insistance du Résident général ou de quelqu’un de son entourage, apposé son sceau sur un firman conférant des distinctions de son ordre, Nichan Iftikhar à des personnalités ennemies. Il avait toutefois refusé formellement de les remettre lui-même. Restaient les sympathies de faire prendre au procès intenté au Bey un tour tendancieux. Mais les instructions avaient encore une fois, un caractère impératif. »

La discussion dura plus de 3 heures, à la suite de quoi, le général lui donna un ultimatum expirant à 16 heures le jour même. Mais la situation resta inchangée. Le 14 mai fut décidée alors sa déportation en premier temps en Algérie où il fut accompagné par le général Jurion et une suite réduite. Il fut ainsi conduit le lendemain à l’hôtel Transatlantique de Laghouat aux confins du Sahara. Quinze jours plus tard, il adressait une lettre d’abdication très digne qui devait apporter un appréciable changement à sa situation. Cette lettre est un témoignage du Souverain sur son attitude durant l’occupation germano italienne (cf. infra). De Laghouat il fut transféré à Ténès sur le littoral algérien, et ensuite à Pau.

Le Samedi 15 mai 1943, l’investiture du nouveau Bey du camp S.A. Mohamed Lamine Bey eut bien lieu à 16 heures au palais du Bardo, elle a été donnée au nom de la France par le général Juin (qui remplaça le général Mast dans sa fonction en raison de ses blessures), Résident général de  France à Tunis, en présence des hautes personnalités françaises et tunisiennes de la Régence.

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