Hédi Mechri : La fin des illusions

La fin des illusions

Par Hédi MECHRI

Le Maghreb du 14/1/1984

Certes, on a vu fleurir depuis 1981 un langage assez inédit autour de la Caisse Générale de Compensation (C.G.C.). Certains parlaient de tempête quand d’autres évoquaient la bataille autour de la CGC. Mais on était très loin de soupçonner que cette bataille aux simples relents politiques et sociaux allait tourner au désastre national. Aujourd’hui la guerre du pain a viré à la guerre tout court avec son cortège de morts et de destructions.

La libéralisation du prix du pain et des dérivés des produits céréaliers a déferlé sur les quatre coins de la république, abimant tout sur son passage. Ce fut une explosion inouie de haine et de frustrations longtemps difficilement contenues, mais que l’ampleur de la hausse des prix et la dureté des temps ont fini par libérer.

Regrettons tout de même que le premier ministre n’ait pas conservé, à l’égard d’indicateurs globaux et indifférenciés », les mêmes réserves, voire le même mépris qu’il affichait aux lendemains et sa nomination. Il aura ainsi, mieux saisi la dérision et le danger que provoque ce prétendu pouvoir des chiffres.

Et ce qui surprend le plus, c’est qu’on ait tourné le dos aux règles les plus élémentaires de prise de décision. On comprend mal qu’ne telle décision ait été prise sans que l’on procède discrètement à des sondages auprès de l’opinion pour s’assurer de la réaction à l’annonce du doublement du prix du pain et des autres denrées céréaliers. Sans se souvenir des émeutes provoquées à Casablanca, au Caire, au Soudan et jusqu’à la Pologne et plus proche dans le temps de Rio de Janeiro et de Sao Polo à la suite d’augmentations de prix pourtant plus modestes que ce que nous avons connu.

Suprême ruse de l’histoire, il est troublant de constater que ce sont les banques les agences de voyages, les vitrines aux luxe insolent et les grandes surfaces, signes extérieures des richesses et symboles de l’Occident.

Pour le reste, les «manifestants» ont également pris pour cible celui qu’ils considèrent comme le responsable de cet état de fait : l’Etat en saccageant biens et propriétés publiques. L’horreur n’avait d’égale que la barbarie d’une violence ressuscitée des fonds des âges.

 

 

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